Deux jeunes avocates nous parlent de la fonction publique hospitalière

Ces deux jeunes avocates en droit public contribuent à la Lettre Légibase Santé et nous avons souhaité leur poser quelques questions sur la fonction publique hospitalière.

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Vous êtes avocates en droit de la fonction publique, quel(s) contentieux rencontrez-vous le plus dans votre pratique quotidienne ? À votre avis pourquoi est-ce un point litigieux récurrent ?

ALV - Une partie importante du contentieux que nous rencontrons porte sur la problématique du harcèlement moral ou de la souffrance au travail. Le mal être et la souffrance au travail sont des réalités, la parole est aujourd’hui de plus en plus libérée sur ces problématiques, et il existe des dispositions en droit de la fonction publique pour protéger les agents. Mais la reconnaissance de ce mal être n’est pas toujours évidente car le harcèlement moral, eu égard à sa gravité, répond à une définition juridique bien précise et il n’est pas toujours constitué au regard du juge administratif.

CL - Les problématiques liées à la carrière des agents reviennent également de façon récurrente (avancement, notation, etc.), car les agents publics n’hésitent plus à saisir un avocat s’ils estiment que leurs droits n’ont pas été respectés. En matière de discipline ; la saisine d’un avocat se fait également très facilement car les agents ont conscience que s’ils ne se défendent pas correctement, la moindre sanction pourrait avoir des conséquences importantes sur la suite de leur carrière.

Comment parleriez-vous des difficultés de gestion découlant de la distinction fonctionnaires / agents à statuts spéciaux (notamment personnel soignant), dans les établissements de santé ?

CL - Les établissements de santé ont ceci de particulier que plus encore que dans les autres fonctions publiques (État, collectivités territoriales), ils doivent assurer la gestion de personnels de statuts très disparates. En effet, dans ces établissements, les fonctionnaires côtoient les contractuels de droit public, mais également les contrats de droit privé. Et les personnels soignants peuvent encore relever de ces trois statuts. Ainsi, aux particularités générales de chaque statut, les établissements de santé doivent encore faire face aux spécificités de chaque catégorie de soignants.

Les services juridiques et RH des établissements de santé doivent donc jongler sans cesse entre ces différents statuts, pour appliquer les bonnes règles aux bons personnels !

On lit souvent des informations pessimistes sur la fonction publique hospitalière (sous-effectifs, burn-out, etc.) ; quelles sont, pour vous, les lueurs d’espoir ?

ALV - La réforme du système de santé annoncée par le Gouvernement. Il est difficile de savoir quels contours prendra cette réforme sur la fonction publique hospitalière et à quelle échéance se feront sentir ses effets, mais les premières pierres ont été posées par le PLFSS et par le projet de loi Santé et de réelles avancées en matière de santé sont à espérer (restructuration de l’offre de soins, le virage numérique).

CL - Le fait que la sonnette d’alarme a été tirée par les personnels des établissements de santé, attirant l’attention sur leurs métiers indispensables mais le fait qu’ils sont en permanence sous pression. Les usagers ont également pris conscience de la situation difficile des personnels et de l’importance de trouver des solutions pour assurer un service de santé de qualité.

Très récemment, le Gouvernement a annoncé une réforme de la fonction publique, tous versants confondus, décrite comme « souple ». Qu’en pensez-vous ? Au stade du projet du Gouvernement, quels seront les gros impacts sur la FPH ?

ALV - Difficile de se positionner sur cette réforme annoncée car nous disposons aujourd’hui de très peu d’éléments sur le contenu de cette réforme et les pourparlers autour du projet de loi ont, semble-t-il, été ralentis par les mouvements sociaux actuels.

Mais l’avant-projet de loi a effectivement évoqué des modifications en matière de dialogue social, qui devrait se traduire, en FPH, par la création d’un « comité social d’établissement », remplaçant l’actuel « comité technique d’établissement » dans les établissements publics de santé.

A noter également l’ouverture des postes de direction aux agents contractuels, qui concernerait vraisemblablement les directeurs des établissements et les emplois supérieurs hospitaliers.

Côté disciplinaire, la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de 3 jours serait ajoutée au panel de sanctions existantes, s’alignant ainsi sur la fonction publique territoriale.