Condamnation pénale d’un hôpital pour harcèlement moral commis par son directeur

Par Jean-Charles Savignac

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La chambre criminelle de la Cour de cassation vient de mettre un terme à une assez longue succession de jugements et d’arrêts dont l’origine remontait à un dysfonctionnement grave survenu au début des années 2000 (décès d’une patiente).

L'arrêt du 23 mai 2018 a finalement rejeté le pourvoi du centre hospitalier où les faits se sont produits contre un arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 15 décembre 2016, lequel, sur renvoi après cassation (Crim., 30 mars 2016, n° 14-88.390), l'avait condamné à 20 000 euros d'amende pour harcèlement moral à l’égard d’un chirurgien de l’établissement qui s’étant inquiété des conditions du décès du malade, a fait l'objet de représailles après avoir mis en cause les pratiques professionnelles de l'un de ses collègues.

Comme le note la Cour de cassation dans son arrêt, le centre hospitalier invoquait l'autorité de la chose jugée par le juge administratif, en rappelant les décisions du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et du Conseil d'État, ayant systématiquement rejeté les requêtes formulées par le chirurgien sur les mêmes faits, à l'exception de son éviction irrégulière du tableau de garde.

Les juges administratifs avaient ainsi écarté toute faute de l’hôpital et toute illégalité résultant du maintien en congé maladie, de la suspension de son traitement, du refus de réaffectation, ou encore du fait d'avoir subordonné sa reprise de service à la condition d'effectuer un stage de remise à niveau dans un établissement déterminé.

Pour la Cour de cassation, au terme d’une longue analyse détaillée de tous ces faits au regard du harcèlement moral, la Cour d'appel avait bien, sans insuffisance, caractérisé ce délit en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnels, dès lors qu'elle avait mis en évidence, à la charge de l’hôpital demandeur, des agissements répétés dans un contexte professionnel, consistant à refuser la réintégration dans ses fonctions d'un praticien hospitalier, à le priver de bureau et de matériel informatique au motif qu'à son retour d'une période de congé maladie, il avait effectué un stage de remise à niveau dans un hôpital distinct de celui qui avait été initialement désigné, tous actes ayant excédé par leur nature le pouvoir de direction du directeur de l'hôpital et ont porté atteinte à la dignité et à l'avenir professionnel du praticien en cause.

La Chambre criminelle a confirmé que les juges d’appel avaient justement relevé la faute d'un organe du centre hospitalier en la personne de son directeur, agissant pour le compte de celui-ci, qui engage la responsabilité pénale de la personne morale au sens de l'article 121-2 du code pénal : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

Au total, un arrêt qui ne manque pas de soulever bien d’autres questions quant aux contrôles et tutelles de l’établissement en cause et des autres en général.

Source

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 mai 2018 ; pourvoi n° 17-81376.