Patrick Pelloux sur France-Inter: « Le mouvement des gilets jaunes peut très bien repartir de l’hôpital »

Par Véronique Forsse

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Une grève a débuté hier soir dans plusieurs services d’urgence parisiens pour dénoncer les conditions de travail des aides-soignants et des infirmiers. Dans ce contexte, Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France, intervenait ce matin dans le 5 / 7 de France Inter et nous restituons pour vous ses propos.

La vraie nouveauté, selon lui, au-delà du stress des personnels et du manque d’effectifs et de moyens, c’est la violence. C’est insupportable de se faire insulter toute la journée et le personnel en a ras-le -bol. Souvent, les directions des hôpitaux, mises au courant, n’interviennent pas pour ne pas montrer l’ampleur de la violence, alors que nous avons un peuple profondément violent et profondément irrespectueux.

Parmi les causes à cette violence « humaine », on peut pointer la violence institutionnelle. Nous manquons d’infirmières, d’aides-soignantes, de brancardiers ; on a fermé beaucoup trop de lits, le temps d’attente a beaucoup augmenté, et c’est le personnel qui trinque. Il s’est senti meurtri par l’épisode de Lariboisière (une personne avait été retrouvée morte après 12 heures d’attente sur un brancard), alors que ce sont les pouvoirs publics qui ont laissé se dégrader le service public. On a déstabilisé tout le système de soin, et les urgences sont devenues la variable d’ajustement du dysfonctionnement du système de santé et du dysfonctionnement social.

Le mouvement commence par les hôpitaux parisiens, mais si Madame Buzyn croit être à l’abri d’un conflit national, elle se trompe. Ce matin c’est Martin Hirsch en personne qui vient négocier, mais il faut que le gouvernement monte au créneau. On ferme de plus en plus de lits, donc on attend de plus en plus de gens aux urgences.

On ne peut plus économiser, il faut entendre le personnel qui réclame une prime de 300 euros. Comme l’infirmière anesthésiste par exemple, il faut reconnaître la spécificité de l’infirmière aux urgences, parce qu’il y a une pénibilité particulière.  Le personnel demande une prime qui compense un petit peu les difficultés qu’il a pour vivre et les difficultés qu’il connait dans le travail. Et que le gouvernement fasse attention : le mouvement des gilets jaunes peut très bien repartir de l’hôpital.

À la question de l’impact de la grève sur la prise en charge des patients, Patrick Pelloux répond que le personnel des urgences est profondément humaniste et que les actions seront symboliques (distribution de tracts …), et demande aux pouvoirs publics d’écouter la non-violence. C’est vrai qu’il est difficile de faire entendre sa colère quand la grève ne se voit pas ; mais pour que le personnel en arrive là c’est que le ras-le bol est grand.

 Le soutien des médecins au personnel en grève est total. Une grève des médecins est envisageable si l’on ne change pas profondément l’organisation des urgences, qu’il faut désengorger, notamment en créant un peu partout des centres de santé. Il faut quitter le 20e siècle et entrer dans le 21e