Peggy Leplat-Bonnevialle : « L’intrapreneuriat fait rayonner les Hospices civiles de Lyon »

Le deuxième CHU de France s’est lancé un défi depuis 2021, faciliter l’intrapreneuriat de ses 24 000 employés. Objectif : innover. Tour d’horizon de son fonctionnement et de ce que cela apporte avec Peggy Leplat-Bonnevialle, adjointe à la direction de l’innovation.

Propos recueillis par Quentin Paillé

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En quoi consiste l’intrapreneuriat au sein des hospices civils de Lyon (HCL) ?
En avril 2021, les HCL ont fait le choix de faire de l’innovation un axe distinctif de l’hôpital en le dissociant de la recherche. Résultats, la création d’une direction de la recherche en santé d’un côté, et de l’autre, la mise en place d’une direction de l’innovation, en remplacement de la DRCI (Direction de la Recherche Clinique et de l’Innovation).

Une des premières actions a été de faciliter, de catalyser la dynamique d’innovation et de se positionner en tant que guichet unique interne et externe pour toutes les initiatives de projets innovants. Aux HCL, une innovation, c’est une invention qui rencontre nécessairement un besoin. Nous disposons d’un budget annuel de 2 millions d’euros. Concrètement, les appels à projets sont en permanence ouverts aux 24 000 collaborateurs. Et deux fois par an, nous sélectionnons des projets portés par des intrapreneurs. Plusieurs comités d’experts internes (sur les équipements médicaux, les dispositifs médicaux stériles, intelligence artificielle et numérique, impression 3D et enfin sur l’innovation organisationnelle et managériale) évaluent et priorisent les projets d’innovation. Certains projets peuvent créer de nouvelles activités au sein de l’hôpital, voire de nouvelles startups. Le comité des innovateurs, composé à parts égales de représentants des comités experts et de partenaires de l’écosystème en santé (SATT, pôle de compétitivité, université, région, Métropole, association de représentants d’usagers, etc) propose ensuite avec la Direction de l’Innovation, une liste de lauréats pour validation par les instances de gouvernance des HCL.

Il s’agit d’intrapreneuriat, donc à destination exclusivement des personnels soignants des HCL. Les temps de formations sont pris sur le temps de travail. Nous avons mis en place un programme d’accompagnement personnalisé qui vise à construire un parcours de formation en fonction des besoins des projets et des profils des porteurs en collaboration avec l’EM Lyon Business School. Cinq modules de trois heures, enseignés toutes les quatre à six semaines par des intervenants de l’EmLyon mais aussi des professionnels des HCL, leur ont donné des apports théoriques, tandis que des témoignages d’entrepreneurs de la medtech différents à chaque session ont éclairé les réalités du terrain. Nous les formons à la posture intrapreneuriale ; l’analyse de marché ; la construction d’un business model et d’un business plan… des choses peu habituelles au sein d’un établissement de santé.

Quel est le profil des participants et quels sont les projets ?
Au sein de la première promotion nous avions une dizaine de porteurs de projets, des PH et PU-PH, des directeurs d’hôpitaux, des cadres. Sur les 6 promotions de projets accompagnés depuis 2021, les porteurs sont très majoritairement des médecins (environ 70 %). C’est probablement parce qu'ils sont aguerris à répondre à des appels à projets, notamment dans le domaine de la recherche. Pour les 30 % restants ce sont des directeurs d’hôpitaux, des cadres de santé, des pharmaciens, des ingénieurs, etc.

Notre challenge est d’arriver à diversifier ces profils, en continuant d’acculturer et faire en sorte que tous les professionnels de santé se sentent légitimes à proposer des choses innovantes. Pas forcément une innovation de rupture, mais un changement dans le quotidien et qui peut être partagée sur tous nos sites. Lors de la première promotion, certains porteurs ont proposé des plateformes transversales d’innovation thématiques qui visent à mettre en relation des professionnels de santé et des industriels de la robotique, du numérique et de l’imagerie. Ce type de projet permet ainsi de faire entrer l’innovation dans l’hôpital.

En 2024, la deuxième promotion sera différente, plutôt axée sur des projets dans le domaine de l’innovation managériale et organisationnelle. Telle que la création d’une maison pour les professionnels de santé sur le site de l’hôpital Edouard Herriot, lieu dédié aux professionnels, se présentant comme une bulle, un espace de détente et de déconnexion où seront en parallèle organisées des actions de prévention de la santé et de réduction des TMS. Tout en offrant un espace permettant d'y exercer des activités culturelles, de loisirs et sportives mais également d'y travailler et proposer des projets d'initiative collective ou individuelle visant à alimenter les projets portés par l’hôpital en termes de RSE, d'accompagnement des patients ou de vie professionnelle.

Qu’est-ce que cela apporte à l’établissement ?
Après deux ans et demi d’existence, nous allons réaliser une évaluation des dispositifs mis en place afin de mesurer leurs impacts. L’obtention de 5 prix entre 2023 et 2024, permet à minima de continuer à faire rayonner le CHU. Les premiers retours de nos intrapreneurs que nous interrogeons à l’issue de cet accompagnement sont plutôt positifs : nous leur permettons d’avoir un espace où ils peuvent s’auto-diriger et porter des projets qui ont du sens pour eux.
L’appel à projets continue de bien fonctionner. Nous sommes sur un rythme constant (entre 10 et 15 proposés pour chaque promotion). C’est encourageant. Plus de 115 projets ont été proposés, et nous en avons accompagné plus de 45.