La liberté d’aller et venir pour la personne âgée accueillie en établissement : un dispositif particulier

Par Jean-Charles Savignac

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Lors de l’admission dans un établissement ou dans un service social ou médico-social, des informations doivent être données directement ou à leur représentant légal aux personnes autonomes ou dépendantes 1 quant à leurs droits et libertés. Parmi celles-ci, la garantie de la liberté d’aller et venir fait l'objet d'un dispositif particulier.



 

 

1 - L’établissement a un devoir d’information vis-à-vis des personnes hébergées et doit fournir à tout nouveau résident un livret auquel sont annexés une charte des droits et libertés de la personne accueillie et le règlement de fonctionnement de l’établissement.

Le cadre général des règles d’accueil dans l’établissement est fixé par l’article L.311-4 du Code de l'action sociale et des familles, dans une rédaction provenant de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015. Une loi antérieure du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale avait déjà fait progresser les droits des personnes âgées et des adultes handicapés bénéficiaires d’un accompagnement social et médico-social.

L’article L.311-3 du même code énumère les droits et libertés individuels garantis à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux :

  • le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement ;
  •  le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d'un service à son domicile, soit dans le cadre d'une admission au sein d'un établissement spécialisé ;
  • une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ;
  • la confidentialité des informations la concernant ;
  • l'accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
  • une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
  • la participation directe ou avec l'aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne.

L’obligation d’information des usagers sur ces droits et libertés est apparue comme étant une condition pour que les personnes concernées puissent en avoir une bonne compréhension et les faire valoir en cas de difficultés. La charte des droits et libertés de la personne accueillie doit être affichée dans l’établissement : l’affichage vise à garantir l’accès permanent à l’information sur ces droits, tant pour la personne accueillie que pour celles qui agissent dans son intérêt.

2 - En 2015, le législateur a entendu réaffirmer en particulier la liberté d’aller et venir, liberté fondamentale attachée à la personne humaine et qui garantit à tout individu de pouvoir circuler et se déplacer d’un endroit à un autre (le Conseil constitutionnel rattache ainsi ce droit aux libertés garanties et protégées par la Constitution au titre de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789).

L’affirmation du droit d’aller et venir en établissement doit naturellement être conciliée avec les contraintes liées à la sécurité des personnes. Les établissements accueillant des personnes âgées ont en effet l’obligation de garantir la sécurité des usagers. En cas de préjudice causé ou subi par l’un des résidents, le juge peut engager la responsabilité de l’établissement s’il considère que les moyens de surveillance mis en place ont été insuffisants ou inadaptés à l’état du résident, notamment au vu de ses antécédents comportementaux ou de ses fragilités spécifiques.

Les motifs pouvant justifier la prise de mesures restrictives de la liberté du résident ont été définies par la Haute autorité de santé : la sécurité de la personne elle-même ou celle des autres résidents en raison de troubles du comportement ; des contraintes liées à la réalisation de soins, comme le sevrage ou l’isolement septique ; des motifs tenant à l’organisation interne à l’établissement. Mais les responsables d’établissement ne disposaient pas d’outils juridiques permettant le recours à des mesures de restriction de la liberté d’aller et venir.

L’article L. 311-4-1 nouveau du Code de l’action sociale et des familles encadre les restrictions à la liberté d'aller et venir parfois rendues nécessaires pour assurer la sécurité de la personne accueillie. Il s’applique à l'ensemble des établissements hébergeant des personnes âgées, à la fois les établissements médico-sociaux mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 et les différentes catégories d'établissements non habilités à l'aide sociale mentionnés à l'article L. 342-1.

Il prévoit qu'à l'occasion de la conclusion d'un contrat de séjour, une annexe puisse préciser les « adaptations apportées aux contraintes prévues par le règlement de fonctionnement et susceptibles de limiter les possibilités d'aller et venir du résident ».

Le décret n° 2016-1743 du 15 décembre 2016, relatif à l'annexe au contrat de séjour 2 dans les établissements d'hébergement sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées, définit le contenu ainsi que la procédure d'élaboration et de révision de l'annexe au contrat de séjour.

Cette annexe peut être conclue dès lors que des mesures individuelles visant à assurer l'intégrité physique et la sécurité du résident et à promouvoir l'exercice de sa liberté d'aller et venir sont prises par l'établissement.

Un modèle type d'annexe est fixé par ce texte. Sont également précisées les modalités d'information, de participation et d'expression du résident tout au long de la procédure d'élaboration ou de révision de l'annexe, l'identité et le rôle des différents participants ainsi que les différentes étapes de cette procédure.

Plusieurs garanties ont été prévues par le législateur

  • les adaptations doivent avoir « pour seules fins d'assurer son intégrité physique et la sécurité des personnes » et « pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir »  ;
  • elles doivent être « proportionnées à son état et aux objectifs de sa prise en charge » ;
  • elles ne sont définies que « après examen du résident et au terme d'une procédure collégiale mise en œuvre à l'initiative du médecin coordonnateur de l'établissement ou, en cas d'empêchement du médecin coordonnateur, du médecin traitant. Cette procédure associe l'ensemble des représentants de l'équipe médico-sociale de l'établissement afin de réaliser une évaluation pluridisciplinaire des bénéfices et des risques des mesures envisagées » ;
  • le contenu de l'annexe peut être révisé « chaque fois que nécessaire à l'initiative de l'intéressé, du directeur de l'établissement et du médecin coordonnateur ou, à défaut, du médecin traitant ou sur proposition de la personne de confiance ».

Remis à la personne ou à son représentant légal, le livret d'accueil comporte aussi en pièces annexes, outre la charte des droits et libertés de la personne accueillie, un règlement de fonctionnement de l’établissement.

1 Il s’agit des établissements hébergeant des personnes âgées, des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes ou des résidences-autonomie. Les résidences services qui ne sont pas des établissements médico-sociaux ne relèvent pas de ce dispositif.

2 L’appellation de contrat doit être relativisée. Dans un arrêt du 5 juillet 2017 (n° 399977), le Conseil d'État a décidé que la prise en charge d'une prestation d'aide à domicile par un centre communal d'action sociale, établissement public administratif en vertu des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles, a le caractère d'un service public administratif. Les usagers de ce service public ne sauraient être regardés comme placés dans une situation contractuelle vis-à-vis de l'établissement concerné, alors même qu'ils concluent avec celui-ci un contrat de séjour ou qu'est élaboré à leur bénéfice un document individuel de prise en charge, dans les conditions fixées par l'article L. 311-4 du même code. Si le contrat de séjour garde toute sa force avec un établissement d’accueil relevant du droit privé, il en ira autrement pour un établissement d’accueil relevant d’un régime de droit public.