Martin Hirsch : on va vers un hôpital plus intégré avec la médecine de ville, des centres mixtes hôpital-ville !
Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris, était l’invité de France Inter le 24 avril dernier.
France Inter - De quoi souffre l’hôpital en France, alors que le Monde du 24 avril évoque le grand blues des directeurs d’hôpital ?
Martin Hirsch - D’abord, l’hôpital fait bien son boulot.
Cependant, le malaise existe et il vient de plusieurs choses.
Tout d’abord il vient des transformations rapides : avant, quand on était opéré, on passait plusieurs nuits à l’hôpital ; aujourd’hui l’hôpital doit s’adapter pour que l’on rentre le matin et que l’on sorte l’après-midi, pour une intervention chirurgicale sur 2 ou 3, ce qui change l’organisation et le rythme de travail.
Il y avait un modèle d’organisation hospitalière : le mandarinat, la surveillante hospitalière, un système de management « vieille école » plus du tout adapté. On est encore dans le tâtonnement, on ne sait pas bien travailler en équipes à l’hôpital.
Tensions économiques, tensions technologiques, augmentation du nombre de patients, tensions budgétaires aussi : cependant c’est le seul secteur dont la « productivité » a augmenté si fort. A l‘AP-HP, 2 % de malades de plus chaque année avec les mêmes effectifs.
FI - On va vers quoi, vers quel autre modèle d’hôpital ?
MH - On va vers un hôpital plus intégré avec la médecine de ville. Dans les autres pays, il y a des systèmes intégrés avec des médecins dans une même équipe qui travaillent côté ville ou côté hôpital. Mais cela remet en question les statuts des médecins. On ne sait pas encore comment faire, avec les uns payés à l’acte, les autres salariés au mois, ils ont l’impression qu’il y a un mur entre eux. C’est un des grands enjeux du mois qui vient : en effet le Président de la République a prévu les annonces fin mai/début juin.
FI - Ce mur va-t-il sauter ?
MH - C’est indispensable. On a quelques mois pour bâtir un espace commun entre les deux.
L’hôpital devra s’adapter davantage. Les hôpitaux vont avoir des activités plus saisonnalisés, comme ça a déjà été le cas pour les bronchiolites, comme ça peut l’être aussi pour la grippe par exemple.
FI - Dans Libération, Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital Georges Pompidou à Paris, député européen LR-PPE, craint un décrochage brutal des urgences.
MH - Aux urgences, il y deux catégories de patients :
- 1re catégorie : ceux qui viennent pour un besoin d’être vu comme par un médecin généraliste. On y répondra quand on aura des centres mixtes hôpital - ville permettant de prendre en charge ce flux ;
- 2e catégorie : ceux qui vont aller aux urgences avant d’être hospitalisés. Quand l’afflux est important, l’hôpital doit pouvoir se mettre « en position de ». Tout cela est organisable.
Dans tous les hôpitaux de l’AP-HP, le nombre de patients allant aux urgences a augmenté chaque année, et pour autant on n‘a pas dégradé le temps d’attente des patients.
Aujourd’hui il est possible de faire diminuer ce temps.
FI - Une étude de Yohathan Freund, médecin aux urgences de la Pitié-Salpêtrière à Paris, révèle 10 % d’erreurs médicales aux urgences et un taux qui peut être baissé de 40 % si les médecins parlent entre eux.
MH - Les professionnels ont l’impression que ce temps indispensable (quelques minutes pour discuter des cas des patients) a disparu. Ce n’est pas facile, mais c’est indispensable. Il faut réorganiser ces temps collectifs.
FI – Il est incroyable qu’une réunion de quelques minutes fasse à ce point baisser le taux d’erreurs médicales. Donc les urgences manquent de temps.
MH - Ça dépend.
FI - Vous ne parlez pas d’argent ?
Quand on n’est pas suffisamment organisé, il n’est pas utile de rajouter de l’argent. Il faut les deux : de l’organisation et de l’argent. Il faut mettre de l’argent pour les choses qui se transforment.
FI – Que pensez-vous de cette deuxième journée de solidarité pour la dépendance ?
Ça ne me choque pas, mais c’est à la hauteur des enjeux si on est capable de s’organiser pour que les patients âgés restent le plus longtemps possible chez eux, sans être isolés. Il y a une meilleure augmentation de l’espérance de vie quand les patients vivent à deux. Il faut lutter contre la solitude.