Retour sur les contours du cumul d’activités

Par Maître Anne-Laure Vojique

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« Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit », tel est le principe posé par l’article 25 septies du statut pour les trois fonctions publiques. Mais le principe d'interdiction de cumul d’activités souffre d’une série de dérogations liées notamment à la durée légale de travail de l’agent, ou encore à la nature de l’activité cumulée.

Le régime du cumul a été récemment modifié la loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et le décret d’application n°2017-105 du 27 janvier 2017, l’occasion de revenir sur ce régime complexe et omniprésent dans la fonction publique hospitalière.
 

I.    Le cumul : pour quels agents ?Le principe d’interdiction du cumul d’activités et ses dérogations sont applicables aux fonctionnaires et aux agents contractuels, à temps partiel ou à temps plein, occupant un emploi à temps complet ou à temps non complet.Les agents placés en congé de maladie ordinaire, en congé de longue maladie, en congé de longue durée ou en congé annuel y sont toujours soumis. En revanche, le régime ne s’applique pas aux agents en position de congé parental.Des règles particulières existent, dictées par des considérations pratiques, pour les agents occupant un emploi à temps non complet pour une durée inférieure ou égale à 70% de la durée légale du travail.Ces agents peuvent, sous réserve d’une simple déclaration précisant la nature de l’activité privée :

•    exercer auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé les activités accessoires suivantes :

  •     expertise ou consultation au profit d’une personne publique ne relevant pas du champ concurrentiel ;
  •     enseignement et formation ;
  •     activité à caractère sportif ou culturel ;
  •     activité agricole dans une exploitation constituée ou non sous forme sociale ;
  •     activité de conjoint collaborateur au sein d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale ;
  •     aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire de PACS ou à son concubin, permettant à l'agent de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide ;
  •     travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;
  •     activité d'intérêt général exercée auprès d'une personne publique ou d'une personne privée à but non lucratif ;
  •     mission d'intérêt public de coopération internationale ou auprès d'organismes d'intérêt général à caractère international ou d'un Etat étranger.

•    exercer une ou plusieurs activités privées lucratives.II.    Le cumul, pour quelles activités ?Sont tout d’abord interdites les activités privées suivantes :

  •     la création ou la reprise d’une entreprise, immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou affiliée au régime de l’auto-entrepreneur, lorsque l’agent occupe un emploi à temps complet et exerce ses fonctions à temps plein ;
  •    la participation aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif.

Il convient ensuite de distinguer trois types de dérogations : les activités qui peuvent être exercées sans autorisation préalable, les activités soumises à déclaration, et les activités soumises à autorisation préalable.Les activités « libres »Le statut des fonctionnaires permet l’exercice de certaines activités en toute liberté, en dehors des heures de service.Tel est le cas de la production d’œuvres de l’esprit, ou encore des personnels enseignants, techniques ou scientifiques des établissements d'enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions.Cette liberté d’exercice touche également des activités « ponctuelles », telles que l’exercice à titre accessoire des fonctions d’agent recenseur, les contrats vendanges, ou encore les fonctions de syndic de copropriété.Les activités soumises à déclarationOn retrouve dans cette catégorie les agents occupant un emploi à temps non complet dont la durée de service est inférieure ou égale à 70% de la durée légale du travail.Sont également visées les situations dans lesquelles un agent exerce déjà une activité privée de direction de société ou d’association à but lucratif, puis est recruté en qualité de fonctionnaire s’il réussit un concours ou en qualité de contractuel.Dans cette hypothèse, l’agent doit transmettre une déclaration écrite à l’administration précisant la forme et l’objet social de l’entreprise ou de l’association, son secteur et sa branche d’activité.L’administration vérifie alors que la poursuite de l’activité privée est compatible avec les obligations de service, c’est-à-dire qu’elle « ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance, à la neutralité du service ou aux principes déontologiques, ni placer l’agent dans une situation de prise illégale d'intérêts » (D. n°2017-105 du 27 janv. 2017, art. 19).Cette dérogation est accordée pour une durée maximale d'un an à compter du recrutement, renouvelable une fois pour la même durée.Les activités soumises à autorisationL’obligation d’obtenir l’autorisation préalable de l’administration concerne les activités suivantes :

  •     l’expertise ou la consultation au profit d’une personne publique ne relevant pas du champ concurrentiel ;
  •     l’enseignement et formation ;
  •     toute activité à caractère sportif ou culturel ;
  •     toute activité agricole dans une exploitation constituée ou non sous forme sociale ;
  •     toute activité de conjoint collaborateur au sein d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale ;
  •     l’aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire de PACS ou à son concubin, permettant à l'agent de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide ;
  •     les travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;
  •     toute activité d'intérêt général exercée auprès d'une personne publique ou d'une personne privée à but non lucratif ;
  •     toute mission d'intérêt public de coopération internationale ou auprès d'organismes d'intérêt général à caractère international ou d'un Etat étranger.

L’activité ne peut en outre être autorisée que si elle est exercée à titre accessoire, par opposition à l’activité dite principale. Le caractère accessoire de l’activité s’apprécie au cas par cas, en fonction de l'activité envisagée, des contraintes et sujétions particulières et des conditions d'emploi de l'agent.De plus, l’activité cumulée doit être compatible avec les fonctions de l’agent, ne doit pas affecter leur exercice, et ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service.Pour obtenir l’autorisation de l’administration, l’agent doit adresser une demande écrite comprenant l'identité de l'employeur ou la nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée, la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de l'activité.L’administration dispose d’un délai d'un mois à compter de la réception de la demande pour notifier sa réponse. Lorsque les informations fournies lui paraissent insuffisantes, elle a 15 jours pour demander à l’agent de compléter sa demande. Le délai de décision est alors porté à deux mois.III.    Violation des règles du cumul : quelles sanctions ?Les sanctions du non-respect des règles relatives au cumul d’activités peuvent être de trois ordres : financier, pénal et disciplinaire.

En premier lieu, l’article 25 septies VI de la loi du 13 juillet 1983 prévoit le reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement.

En deuxième lieu, l'agent peut faire l'objet des poursuites prévues par le code pénal en cas de prise illégale d'intérêts (C.pén., art. 432-12).

En troisième lieu, l'agent peut être sanctionné disciplinairement.

A ainsi été considéré comme légal la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans dont un avec sursis d’un agent titulaire technicien de laboratoire ayant assuré pendant plusieurs années, en dissimulant les faits à son employeur, un service de cinq gardes de nuit par mois en tant que technicien de laboratoire au sein d’une polyclinique privée (CAA Paris, 5 mai 2015, M. B. c/ AP-HP, req. n° 13PA04498).De même, a été jugé légal le licenciement d’un agent contractuel, recruté pour un CDD de deux ans, exerçant les fonctions d’infirmier, ayant exercé les mêmes fonctions pendant quatre mois dans un laboratoire privé (CAA Marseille, 24 février 2012, Centre hospitalier Castelluccio, req. n° 09MA03514).IV.    La création et la reprise d’une entreprise, évacuées du champ du cumulAvant la loi du 20 avril 2016, un agent public exerçant ses fonctions à temps complet, pouvait, au titre du cumul d’activités, avoir l’autorisation de créer ou reprendre une entreprise. Désormais, la loi du 20 avril 2016 a modifié l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 et supprimé cette possibilité. La création ou la reprise d’une entreprise ne peut être cumulée qu’avec un exercice des fonctions à temps partiel.La quotité de travail doit être au moins égale au mi-temps, et l’autorisation est accordée par l’administration sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service pour une durée maximale de deux ans à compter de la création, de la reprise de l’entreprise ou du début de l’activité libérale. Elle peut être renouvelée pour une durée maximale d'un an.L’agent ayant bénéficié d’une autorisation d’accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ne peut solliciter une nouvelle autorisation au titre de la création ou de la reprise d’une entreprise avant l’écoulement d’un délai de trois ans à compter de la fin du précédent cumul.La commission de déontologie est saisie, par l’administration, de la demande d’autorisation de service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ou une activité libérale, et rend un avis de compatibilité, de compatibilité avec réserves ou d’incompatibilité. Dans ces deux derniers cas, l’avis rendu lie l’administration et s’impose à l’agent.